Carte d’identité biométrique : la bataille pour la protection des données personnelles des tunisiens est reportée
Access Now et Al Bawsala expriment leur soulagement suite au retrait, le 9 janvier 2018, du projet de loi modifiant et complétant la loi N°27/1993 du 22 mars 1993 relative à la carte d’identité nationale proposé par le ministère de l’Intérieur. La vigilance reste de rigueur et nos organisations s’opposeraient à toute autre proposition — sous forme de projet de loi ou autrement — qui porterait atteinte au droit à la vie privée des citoyen-e-s.
Le projet de loi soumis à l’Assemblée des représentants du peuple le 5 août 2016 avait pour but de remplacer les cartes d’identité actuelles par des cartes munies de puces électroniques contenant des données biométriques, notamment des empreintes digitales du détenteur de la carte. Ce projet de loi était fortement critiqué par une partie de la société civile tunisienne compte tenu de son atteinte aux libertés individuelles des citoyen-e-s, et plus particulièrement à leur droit à la vie privée tel que garanti par l’article 24 de la Constitution tunisienne. La version présentée par le ministère de l’Intérieur était extrêmement opaque quant aux possibles types de données biométriques collectées et aux potentielles entités ayant accès à ces données. Le projet de loi prévoyait par ailleurs un stockage systématique des empreintes digitales de l’ensemble des possesseurs de CIN, sans garantir la protection de ces données biométriques.
« La protection des données individuelles est un devoir constitutionnel d’autant plus important au vu des avancées technologiques, » déclare Wafa Ben-Hassine, conseillère politique à Access Now. « Le collectif alerte les autorités contre toute tentative d’atteinte aux libertés individuelles et leur rappelle que la défense des principes de la Constitution sera toujours notre priorité ».
Pour rappel, le projet de loi, finalisé par la commission parlementaire des droits et libertés le 7 juillet 2017, devait être débattu lors de la séance plénière le 18 ou 19 juillet 2017. Mais à cause d’autres engagements parlementaires, le projet de loi a été reporté et renvoyé encore une fois vers la commission des droits et libertés afin d’y entendre les arguments de Chawki Gaddes, président de l’Instance nationale de la protection des données personnelles (INPDP), en rapport avec le danger que porte le projet quant aux libertés individuelles et au droit à la vie privée.
« Le Maroc et l’Algérie ne sont pas des exemples à suivre en matière de protection des données personnelles, » affirme Chawki Gaddes au micro d’Express Fm, avant d’affirmer que la Tunisie devrait s’inspirer plutôt de pays comme le Canada et la Belgique en tant qu’État respectueux des normes internationales relatives à la protection des données personnelles.
Le projet de loi a ensuite été porté à la « commission des consensus », le 5 et le 8 janvier 2018, afin d’’y auditionner le ministre de l’Intérieur et son équipe. Une grande partie des député-e-s a alors exprimé son (anxiété) inquiétude face aux risques que ce projet e loi comporte pour les données personnelles des Tunisien-e-s. Cette commission a apporté des modifications au projet de loi afin de protéger le droit à la vie des tunisien-e-s et leurs données personnelles. Parmi ces modifications figure une mesure visant à assurer la destruction des données relatives aux empreintes digitales et aux photos une fois placées sur la carte à puce elle-même.
Finalement, en raison du nombre important de modifications apportées au projet de loi, le ministre de l’Intérieur s’est trouvé contraint de le retirer juste avant son examen en assemblée plénière, mardi 9 janvier 2018.
« Le projet de loi a été retiré parce qu’il a subi trop d’amendements qui visaient après tout à protéger les données personnelles des Tunisien-e-s et à en autoriser l’accès, » déclare Lamine Benghazi, chef du projet Marsad Majles à Al Bawsala. « L’organisation restera aux aguets lors de toute prochaine proposition, et évidemment ouverte à toute concertation visant à partager ses recommandations ».