Le nouveau projet de loi amendant la loi qui régit les cartes d’identité nationales (CIN) en Tunisie, porte atteinte aux droits garantis par la constitution Tunisienne et les lois nationales sur la vie privée des citoyens. Les organisations signataires expriment leur opposition à ce projet de loi proposé par le Ministre de l’intérieur.
Ce projet de loi a été débattu lors du conseil ministériel et ainsi voté, a été soumis à l’Assemblée des représentants du peuple Tunisien le 5 Août 2016. Le but prétendu de la nouvelle carte d’identité nationale ainsi que sa mise en place, n’est pas clair. Ce projet de loi a été proposé pour amender la loi n°27 de 1993 qui régit la Carte d’Identité Nationale et la munir d’une carte à puce. Le système Gemalto, qui, selon certains dires, serait introduit pour la gestion de cette puce, est déjà utilisé par d’autres gouvernements pour filer et sauvegarder les données de santé et bancaires de leurs citoyens.
Ce projet de loi ne fait référence à aucune procédure ou garde-fous substantiels sur le type de données qui sera collecté et son utilisation. Ces lacunes permettent tous les abus contre la protection des données à caractère personnel .
Ce projet de loi stipule qu’une partie de la CIN sera cryptée et toute tentative de décryptage – même pour le citoyen lui-même qui tente d’accéder à ses données à caractère personnel – encourt une peine de 5 ans d’emprisonnement.
La mise en application de ce projet de loi engagera des frais inutiles qui seront une perte pour le trésor public. L’actuelle CIN tunisienne contient déjà un identifiant unique et un code à barres qui pourraient être utilisés pour des opérations administratives et pour le traitement des données à caractère personnel.
Jusqu’à présent, nous avons très peu de données sur le fonctionnement et les raisons de l’adoption de cette nouvelle CIN biométrique ainsi que sa base de données. Ce projet de loi n’indique pas:
- Le types de données qui seront sauvegardées dans la partie cryptée de la nouvelle carte d’Identité nationale.
- L’institution qui sera en charge de l’identification des données personnelles à sauvegarder
- Si les données seront sauvegardées, leur durée de sauvegarde et sous quelle forme
- Y-aurait-il une base de données interne
- Quelles autorités ou force de l’ordre auraient accès à ces données à caractère personnel
- Les bases juridiques qui permettraient aux autorités concernées le droit d’accès à ces bases de données
- Où seront sauvegardées ces bases de données.
- Quelles institutions ou individus auront droit d’accès aux données à caractère personnel cryptées.
- Si des gouvernements étrangers auraient droit d’accès à ces données à caractère personnel .
- Et finalement, quelles mesures de sécurité seront prises pour garantir la sécurité de ces données.
Le ministère de l’intérieur n’a ni coordonné ni consulté les différents acteurs de la société civile sur la nature des données à caractère personnel qui seront incluses dans la nouvelle CIN biométrique. Selon l’article 76 de la loi organique n°2004-63 portant sur la protection des données à caractère personnelles, l’Instance Nationale de la Protection des Données Personnelles (INPDP) peut rendre un avis consultatif pour toute question qui porte sur les données à caractère personnel. Ceci s’applique également pour les projets de loi et les décrets ministériels. Ainsi, puis que l’INPDP n’a pas été saisie, aucun avis consultatif n’a été donné.
Les organisations signataires estiment que ce projet de loi met en péril la vie privée des citoyens tunisiens, la protection des données à caractère personnel, la libre circulation des citoyens, et leur liberté d’expression. Ce projet de loi centralisera un grand nombre de base de données qui pourraient élever les risques d’attaques malicieuses autant que les risques d’abus par les autorités publiques. En pratique, ce projet de loi portera atteinte à la Constitution Tunisienne qui stipule que “L’État protège la vie privée, l’inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, des communications et des données personnelles”.
Ce projet de loi crée des risques disproportionnés et inutiles sur les droits humains. Nous sommons l’Assemblée des représentants du peuple à rejeter ce projet de loi au nom de la défense des libertés civiles chèrement acquises et l’appelons à œuvrer pour garantir une société plus ouverte et libre.
Access Now
Fondation Friedrich Ebert, Tunisie
IWatch
Nawaat
Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH)
Le Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux (FTDES)
La Coordination Nationale Indépendante pour la Justice Transitionnelle
Nawaat
Psychologues du Monde, Tunisie
Réseau Doustourna
Cette déclaration est également disponible en Anglais.
18 Novembre 2016