Le 22 février, le peuple togolais est allé voter dans le cadre de son devoir civique. Moins de 48 heures après la fin du scrutin, les résultats provisoires de la commission électorale du pays ont vu la réélection du président sortant, Faure Gnassingbé, avec 72% des voix, tandis que le principal chef de l’opposition, Agbéyomé Kodjo, a obtenu 18%. La victoire évidente du président Gnassingbé aux élections de 2020 prolongera la dynastie de sa famille pendant cinq ans encore, car il est entré en fonction après le décès de son père en 2005. Insatisfait du résultat de l’élection, qui, selon de nombreuses personnes, serait loin d’avoir été libre et juste, le chef de l’opposition Kodjo a accusé le gouvernement de fraude généralisée, une accusation réfutée par le bureau du président.
Quelque chose à cacher? Blocage des applications, révocation de l’accréditation des observateurs d’organisations de la société civile et déportations entachent les élections présidentielles au Togo
Les accusations de fraude électorale ne se produisent pas isolément. Les mesures prises par le gouvernement togolais lors des élections ont donné raison de s’inquiéter. Les autorités ont coupé l’accès aux services de messagerie instantanée le jour du scrutin et les fonctionnaires électoraux ont empêché un groupe indépendant d’observateurs de la société civile de surveiller les élections.
Ces tactiques semblent avoir fait partie d’un plan bien pensé pour bâillonner le peuple togolais en ce jour important. Un jour avant le début du vote, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a prévenu qu’une coupure d’internet pourrait se produire pendant les élections. Peu après la fin du vote dans la soirée du 22 février, les applications de messagerie étaient bloquées.
Le blocage a affecté les utilisateurs des réseaux Togo Telecom et Atlantique Telecom à l’exception de Canalbox. Cela s’est produit malgré l’appel des groupes de défense des droits locaux et internationaux par le biais de la coalition #KeepItOn exhortant le gouvernement à garantir un internet ouvert, sécurisé, et accessible tout au long de la période électorale.
Comment s’est déroulé le blocage des applications de messagerie?
D’après une étude de l’Open Observatory Network Interference (OONI), le Togo a bel et bien coupé accès à certains services internet pendant les élections. OONI utilise un logiciel gratuit pour détecter la censure, la surveillance et la manipulation du trafic sur internet. Les résultats des tests menés pendant la période électorale ont montré que les applications de messagerie instantanée telles que WhatsApp, Facebook Messenger et Telegram étaient bloquées sur deux opérateurs: Togo Telecom (AS24691) et Atlantique Telecom (AS37229). Cependant, les trois applications étaient accessibles sur le réseau Canalbox (AS36924), montrant que le blocage différait selon les fournisseurs de services internet (FSI) au Togo. Le graphique suivant illustre les résultats des tests effectués sur trois FSI au Togo entre le 21 et le 23 février 2020.
Ces résultats montrent que certains opérateurs mobiles ont été ciblés pour blocage. Les autorités n’ont pas fourni d’explication sur le choix des opérateurs pour le blocage, mais Togo Telecom est une entreprise publique et l’opérateur de Togocel mobile, un réseau largement utilisé avec les deux tiers de la base d’abonnés du pays.
Désaccréditation des observateurs, expulsion du personnel de soutien technique, intimidation
Avant les élections, la Commission électorale nationale indépendante du Togo (CENI) a révoqué le 18 février 2020, sans avertissement, l’accréditation de la Consultation nationale de la société civile (OSC) du Togo, principal groupe d’observateurs indépendants. Les autorités ont également expulsé le personnel du National Democratic Institute (NDI) qui se trouvait dans le pays pour fournir un soutien technique au groupe indépendant d’observateurs électoraux. Il a été rapporté que l’organe électoral avait refusé l’accréditation de l’Église catholique pour surveiller les élections. De plus, la CENI a annulé le système de sécurité électronique à la toute dernière minute. À quelle fin, exactement?
Le gouvernement a toutefois autorisé quelque 300 observateurs internationaux, principalement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union africaine, à suivre le déroulement des élections dans le pays.
Outre les incidents ci-dessus, peu après la fermeture des bureaux de vote, des agents de sécurité ont encerclé la résidence du chef du parti d’opposition Kodjo, sous prétexte de garantir sa sécurité. Dans ces circonstances, cela pourrait être interprété comme un acte d’intimidation.
Et maintenant: aidez-nous à documenter les interférences avec les droits numériques au Togo
Les élections sont un moment extrêmement important pour un discours public libre et ouvert, et la coupure délibérée de moyens de communication interfère avec la capacité d’accéder à l’information et de se forger une opinion – un droit humain auquel nous avons tous droit. Access Now et la coalition #KeepItOn poursuivra sa mobilisation pour faire en sorte que les futures élections au Togo, et toutes les élections partout dans le monde, soient exemptes de coupures internet.
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